Le diapason des mots et des misères – JĂ©rĂ´me Noirez

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Le diapason des mots et des misères
JĂ©rĂ´me Noirez
Griffe d’encre
2009

Une nouvelle de Jérôme Noirez dans une anthologie, c’est toujours un grand moment de lecture : la petite perle du collectif, le texte savoureux dont on se souviendra longtemps. Alors, un recueil compilant 14 textes de Noirez, que dire ? Griffe d’encre nous fait très plaisir en nous offrant un grand collier de perles.
…Sauf qu’à y regarder de plus près, les perles semblent faites en os humain… Même qu’on y discernerait encore un peu de sang, caillé dans les interstices…

Plus que pour tout autre recueil, Le diapason des mots et des misères gagne à se lire lentement, à petites doses. Il faut en effet du coffre pour traverser, la respiration suspendue, ces univers puant la charogne. « Nos aïeuls », « la grande nécrose », « l’enfer des enfants pas sages », « la leçon de piano », autant de nouvelles qui renouent avec l’ambiance particulière de Féerie pour les ténèbres. C’est glauque, c’est violent, et surtout, c’est très macabre. Presque insoutenable par moment.

Dans sa globalité, le recueil met la barre haute. Le style est hyper-travaillé, ciselé. Jérôme Noirez, en grand amateur de musique, est sensible au rythme de ses phrases, et à chaque fois, il livre le meilleur. Sur la forme, c’est de l’art. Mais sur le fond ? Les mots manquent pour qualifier la performance. Parce que c’est vraiment de ça dont il s’agit : chaque nouvelle est un exploit littéraire. L’imaginaire de Noirez est puissant ; ses idées sont d’une originalité saisissante. Cependant, la lecture du Diapason n’a rien de rafraîchissant. L’objectif n’est sûrement pas de nous distraire, mais plutôt de nous frapper à l’estomac. L’élan de Noirez est si formidable, que je soupçonne certains lecteurs de rester au bord de la route. C’est que la lecture est exigeante, oppressante. L’auteur nous invite à voyager à Prague, en Italie, aux États-Unis, mais ces mondes sont nécrosés, en décomposition, et le séjour implique la compagnie d’enfants si brutalisés par la vie que ç’en est une épreuve.

Le diapason des mots et des misères est une expérience hallucinée et hallucinante dans un imaginaire puissant. Sa lecture n’est pas forcément aisée, mais elle force le respect tant elle démolit tout ce qui se fait classiquement dans la littérature de genre. À se demander si l’auteur est vraiment humain… Dis Jérôme, qu’est-ce que tu caches sous ta peau ?

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Ă€ propos de Arya

Chroniqueuse et auteur

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