Galaxies nouvelle série No 32/74
Période : septembre 2014
ISBN : 9782914590662
Format : 13,5 x 21
Pages : 192
Prix : 11€
Ce numéro, très éclectique, se compose d’un dossier sur Jean-Louis Bouquet, réalisé par JP Fontana, de 6 nouvelles (fantastiques, SF, réalistes), de plusieurs articles dont un sur la BD « L’agence Euréka » et de critiques de cinéma fantastique et SF par JP Andrevon.
Alouqa ou la comédie des morts de Jean Louis Bouquet
Un soir, M. Norbert-Robert, le comédien et directeur adjoint d’une agence théâtrale, reçoit la visite de Morgan, un médium de renommée mondiale. Ce dernier lui fait une requête qui sort des sentiers battus : il voudrait engager une troupe de comédiens pour des représentations privées et improvisées dans son hôtel particulier. Il s’agirait de mettre en scène la vie des personnes ayant vécu dans cet hôtel trente ans auparavant, les derniers marquis de Vourges-Ranzay. En effet, une malédiction depuis le 17e siècle frappe cette noble famille, toutes leurs épouses deviennent folles. M. Norbert-Robert accepte, mais le casting se fait difficilement. Finalement chaque membre de la famille trouve son interprète idéal, y compris la mystérieuse Alouque, le démon responsable de la malédiction. Elle sera interprétée par Araxe, une énigmatique actrice étrangère. Les représentations peuvent commencer…
Une nouvelle fantastique qui nous plonge dans les ambiances symbolistes d’un Huysmans : Là -bas ou À rebours où de riches personnages ambigus, via l’art – ici le théâtre -, cherchent à découvrir non pas le sens de la vie, mais de l’au-delà ou de l’en-deçà . L’ensemble est bien mené, bien écrit, où des éléments de marivaudages se mêlent à la démence et au surnaturel. Hélas, toutefois, que la chute soit prévisible et sans surprise !
De même la nouvelle Laurine ou la clef d’argent baigne dans cette atmosphère symboliste où rêve et réalité ne font qu’un. Sur le thème de l’étrange voisin, on suit les aventures de Laure d’Épernange, « Laurine » comme la surnomment ses condisciples du couvent du Saint-Enfant.
La biographie « un illustre inconnu » m’a permis de découvrir Jean-Louis Bouquet. Auteur, mais surtout scénariste, Bouquet a écrit une vingtaine de scénarios entre les années 20 et 40. Il a surtout travaillé avec des cinéastes aujourd’hui oubliés par le grand public comme Jean Kemm, Walter Kapps ou Luitz-Morat.
Ainsi, le scénario de la Cité foudroyé est présenté, avec un dossier critique, par JP Fontana.
Parmi les nouvelles proposées, 3 m’ont particulièrement séduit :
Le synchromachintruc de Luce Basseterre
Une histoire que l’on peut qualifier de steampunk puisqu’elle se déroule en 1876 et fait appel à une technologie rétro-futuriste. De plus, la plume élégante et efficace de Luce Basseter n’est pas sans rappeler les maîtres de ce genre littéraire. De quoi s’agit-il ? Eugénie Vidocq (toute allusion ici n’est pas fortuite ou le fruit du hasard) s’aperçoit que le monde est figé autour d’elle. Aussitôt, elle descend dans la rue, sidérée par ce phénomène. Puis les gens et les choses sont de nouveau animés. Mais le phénomène recommence et elle comprend que le temps est sujet à une sérieuse dysfonction. Ce qui est confirmé par la rencontre du père Luc qui semble en savoir long sur le problème. Il faut réparer le synchronographe !
La reine jetée aux chiens (Jézabel) de Daniel Walther
Ce récit met en scène une aventure de Jaime A. Sanz, soldat de la 3e compagnie du 6e RIC et amant de la reine Jézabel. Meurtres, trahisons, amours illicites, machinations en arrière-fond à la guerre qui opposent les rois Achab et Salmanazar III. On est donc en plein mélange des genres, SF et mythologie biblique, dans cette nouvelle par endroits très détaillée et par d’autres plutôt elliptique d’où une construction du récit un peu bancale. Mais la qualité littéraire de l’ensemble permet de passer outre cet écueil et d’en apprécier la lecture.
Voyage sur les Bords du Monde de Meddy Ligner
Sur ordre de l’empereur, Lucius Marcus Verano se rend à l’extrême limite de l’Empire romain à Moska, dans le but de mettre à jour les légendes concernant les « femmes-loups ». Entre découverte de l’autre et incompréhension, rite magique et amour impossible, choc des cultures et barbarie, cette belle nouvelle propose non pas seulement un voyage au bord du monde, mais surtout dans les arcanes de l’esprit humain.
J’ai moins apprécié les 3 autres :
DisPerSion de Ronald Sukenick
Cette courte nouvelle se compose de quelques tranches de vie d’un gamin de Brooklyn en 1941. Comme il parle vite, l’auteur ne met quasiment pas de ponctuation et colle certains mots et noms. L’ensemble est assez naïf et ne restitue pas suffisamment l’ambiance avant-guerre à New York, alors qu’une certaine nostalgie aurait dû se faire ressentir. Cela m’a paru plus un exercice stylistique qu’une nouvelle proprement dite. À noter qu’il s’agit d’un texte réaliste et non pas imaginaire.
Virtuose de Bruno Pochesci est une nouvelle de SF « écologiste » qui dénonce la bêtise humaine.
Le Hollandais volant de Jean-Jacques Olivier est une nouvelle qui, comme son titre l’indique, revisite la légende du Hollandais volant, mais de façon réaliste en la situant en Polynésie dans les années 60.
Un numéro de Galaxies/Mercury très éclectique donc qui permet de nous faire découvrir Jean-Louis Bouquet, et qui fait la part belle au cinéma, d’abord avec Bouquet comme scénariste, mais aussi les critiques d’Andrevon sur le cinéma SFF de l’année 2014. Éclectiques dans le choix des textes, SF, fantastique, mythologique, ou réaliste… ainsi que l’article sur la bande dessinée « l’agence Euréka » qu’on pouvait lire dans Pif Gadget dans les années 70.
 Cyril Carau