[rating=4]
Enfin la nuit
Auteur : Camille Leboulanger
l’Atalante
192 pages
12 euros
ISBN : 978-2-84172-554-0
J’avais bien sûr eu connaissance de l’existence de cet ouvrage par diverses publicités sur ce forum, mais le fait de le tenir en main chez mon libraire préféré m’a fait sauter le pas et sortir de chez lui plus léger de quelques euros. Qu’allais-je avoir en contrepartie ? J’avais lu précédemment une nouvelle de notre auteur – qui opère sous l’identité de Master Baboun ici – et cela ne m’avait guère transcendé. Néanmoins la curiosité l’a emporté et je me suis donc plongé dans sa lecture.
Autant l’avouer : j’en ai dévoré les pages avec avidité. J’ai retrouvé dans ce récit les accents désespérés et résignés du Ballard de Sécheresse et des réminiscences de l’Autoroute Sauvage de Gilles Thomas. L’histoire est en effet post-apocalyptique, avec comme élément déclencheur un ciel où la nuit ne tombe plus. On ignore quelles sont les raisons qui provoquent l’effondrement de nos sociétés organisées, livrant un monde étonnamment intact à quelques survivants. Certes les cadavres semblent avoir du mal à pourrir et je ne pense pas que des vaches puissent survivre un mois ou deux sans être soignées, mais au final ces incohérences ont peu d’importance. En effet le récit retrace d’abord les pérégrinations d’une poignée d’individus lancés à l’aventure sur les routes. Et là , les comportements de ces personnages sont plutôt finement analysés. Camille Leboulanger a un style d’écriture particulier. Il abuse des répétitions et opère des diversions assez étonnantes, livrant en quelques lignes le destin d’un homme ou d’une femme qui croise de près ou de loin le cours de la vie de ses héros. De même, des dialogues assez peu courants marquent du sceau de l’originalité son récit. (Exemple : « Thomas : patati ; Sophie : patata…)
Mis bout à bout, ces éléments créent une ambiance vraiment désabusée et crédibilisent l’histoire. Paradoxalement, les personnages semblent vidés de toute substance, comme s’ils planaient en dehors de toute réalité, et l’art de l’auteur tient en ce que ces néants intérieurs appellent des réflexions sophistiquées sur le sens de la vie, de la mort, de l’amour. De fait, les personnages de cette histoire ne surgissent de nulle part, et ne vont nulle part. Leurs existences s’inscrivent dans un grand creux, dont la fin du monde souligne l’extrême solitude masquée ordinairement par la frénésie que nous connaissons.
Un bel ouvrage donc, prometteur. Saluons le courage des Editions l’Atalante qui offrent à un jeune auteur l’opportunité de mettre le pied à l’étrier.
Alors Camille Leboulanger : un espoir de la SF française ? Non : une révélation.