S̬cheresse РJames Graham Ballard

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Sécheresse

 

Auteur : James Graham Ballard
Éditeur : Gallimard
Collection : Foliot SF
Traducteur : Michel Pagel
Prix : 7,20 €
304 pages
Date de parution :
27.05.2011
ISBN : 978-2070441-32-7

 

Une île déserte pleine de livres…

Hé oui jeunes padawans, vous vous demandiez si le père Alvin n’avait pas (enfin ?) passé l’arme à gauche. Pas encore, les enfants, pas encore… C’est que depuis que je me suis exilé sur les îles Kerguelen, le facteur ne vient plus tous les jours, et quant à surfer sur internet, encore faudrait-il que j’ai amené dans mes bagages ce tas de ferraille que l’on appelle un ordinateur. Vous savez bien que j’ai préféré m’encombrer de livres. Alors, entouré de toutes parts par l’océan, j’ai tiré de mes rayons un ouvrage prémonitoire, écrit en 1966 par l’immense J.G. Ballard : Sécheresse.

10 РS̩cheresse par James Graham Ballard

« Sécheresse » s’inscrit dans la lignée très britannique des ouvrages relatant une apocalypse. John Wyndham, Keith Robert, John Russel Fearn ont donné leurs lettres de noblesse à ce sous-genre, et on peut dire véritablement que presque toute l’œuvre de Ballard tourne autour de ce thème. Ce goût, ou cette obsession sont-ils à rechercher dans la jeunesse de l’auteur ? Il l’a livrée sous forme romancée avec « l’Empire du soleil », livre dans lequel il raconte ses années de guerre, enfant, à Shanghai, sous l’occupation japonaise. Que cet épisode de sa vie l’ait marqué à jamais est clairement établi et qu’il en ait tiré la conviction de la vanité de toute chose me semble évident. Si vous êtes déprimé ou suicidaire, « Sécheresse » n’est donc pas pour vous. Ballard y distille une telle désespérance que la fin, malgré la lueur d’espoir qu’elle annonce, n’en est que plus sinistre. Avec Ballard, les lendemains ne risquent pas d’être joyeux.

Conséquence de l’activité humaine, une pellicule recouvrant les océans empêche l’évaporation de l’eau et la pluie disparaît tandis que s’installe une sécheresse implacable. Dans ce contexte, Ballard va mettre en scène une galerie de personnages dont les comportements vont évoluer au fur et à mesure que l’aridité transforme d’anciennes campagnes riantes en déserts. Les pêcheurs, privés de poissons, vont piéger dans leurs filets de nouvelles proies humaines, un excentrique va donner toute la mesure de sa folie, un simple d’esprit ira au bout de son délire, un pasteur se révèlera en autocrate et le héros de ce roman, Ransom, à la recherche de lui-même, poursuivra ses démons. Ce qui est essentiel dans ce beau livre, ce n’est pas tant la catastrophe ambiante qui précipite l’humanité vers l’abîme, que le voyage intérieur des personnages et son aboutissement dans un contexte de cauchemar. La malfaisance devient la règle, comme si l’homme, privé des apports de la société, de ses lois, de ses conventions, ne pouvait pas emprunter une autre voie. Pour Ballard, la bonté et l’amour sont des valeurs superficielles vite balayées par les noirs desseins recélés au plus profond d’elles-mêmes par ses créatures. On aura compris qu’il pose sur ses semblables un regard particulièrement pessimiste. Des livres comme « Crash » ou « La forêt de cristal » confirment par ailleurs ce sentiment. Évidemment, l’eau devient l’élément le plus précieux pour la survie des quelques groupes rescapés de la catastrophe et toutes les ambitions, tous les désirs s’aiguisent autour de la possession du précieux liquide. On le vole, on le détourne, on s’en sert comme monnaie d’échange. D’étranges rites s’installent, illustrant l’attirance naturelle des esprits pour la perversité.

C’est là ce que Ballard a cherché à démontrer, à travers la descente aux enfers que vivent les personnages de ce roman. On adhère ou non à sa vision du monde, mais on ne peut que souligner l’immense talent de cet écrivain pour mettre en pleine lumière l’âme humaine et ses tourments.

Alvin

Publié dans Science-Fiction | Permalien |

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