Mortelles Attractions – Yves-Daniel Crouzet

[rating=4]

Mortelles attractions

Auteur : Yves-Daniel Crouzet
Editeur : Les Nouveaux Auteurs
308 pages
Format : 13,5 x 21 cm
Prix : 16,90 €
ISBN : 978-2-8195-0048-3

Je ne sais pas pour les autres lecteurs, mais j’éprouve souvent un petit pincement au cœur avant d’attaquer un nouvel ouvrage d’un auteur que j’apprécie particulièrement. Quand il s’agit d’un ami, l’émotion est d’autant amplifiée, car j’aborde le livre dans mes mains avec un sentiment de connivence renforcée, comme si les textes qu’il avait écrits s’adressaient plus particulièrement à moi. Je n’ignore pas que c’est un peu factice, d’autant que certaines des nouvelles présentes dans ce recueil ont été écrites avant que je ne connaisse Yves… mais pour certaines, ma foi ! j’y vois des clins d’œil.
Attractions mortelles est un recueil de quatorze nouvelles policières, ou à suspense. La dernière, qui constitue une réelle conclusion de l’ouvrage, met en scène plusieurs des protagonistes des textes précédents quelques mois après leur première apparition.
Dans cette critique, je ne parlerai pas de tous les textes, juste de ceux que j’ai le plus appréciés. Et je le dis d’emblée, ce recueil est un sacré bouquin.

Le prédateur
Si André Breton avait lu cette nouvelle, nul doute qu’il l’aurait sélectionnée dans son anthologie de l’humour noir, tant ce petit bijou correspond à ce concept surréaliste. De quoi s’agit-il ? Un homme quelconque, assez veule d’ailleurs, mal dans sa peau, dans son travail comme au sein de son foyer, découvre un étrange moyen de se sentir mieux, de devenir un autre homme… ou plus exactement de s’affirmer enfin comme l’homme qu’il désire être. Quel est donc ce moyen de développement personnel : « tuer ». D’abord des animaux, chats, chiens, oiseaux, chevaux, et puis ensuite passer à l’étape supérieure…
Précédemment paru dans le numéro 2 d’Ananké, le prédateur est un texte monstrueusement jubilatoire !

Un numéro introuvable
Il s’agit d’un texte épistolaire, en fait la nouvelle se compose de 3 lettres et de 16 e-mails. Un amateur de littérature noire, Victor Grubb, envoie un courrier aux éditions du Soleil Obscur pour commander des numéros de la revue l’œuvre au noir et surtout le HS « spécial terreur ». Il s’ensuit une correspondance cordiale avec la responsable commerciale, Martine Meinard, qui lui apprend que ce numéro Hors-Série n’a jamais existé. Et pourtant…
Publiée une première fois dans la revue Alibis, cette nouvelle m’a tenu en haleine tout le long de sa mystérieuse enquête pour mettre la main (ou pas) sur ce Hors-Série ! Mais trouver un ouvrage culte est-il la seule préoccupation de Victor ? Hum… hum… Avec ce diable d’Yves-Daniel Crouzet, il faut s’attendre chaque fois au pire !

Travail au noir
Si un jour, alors que vous sortez du métro, on vous remettait un prospectus ventant les mérites d’un… chourineur ? Que feriez-vous ? C’est ce qui arrive à Michel Dubois. Il lit et relit ce flyer, estomaqué ! Un tueur à gages fait donc de la publicité comme le ferait un restaurateur, un électricien ou n’importe quel honnête commerçant ?! Si l’on en croit la pub, discrétion, travail soigné et tarifs avantageux sont même assurés !
Encore un texte qui flirte bon avec l’absurde et l’humour noir, les travers de la vie quotidienne d’une petite entreprise et les aléas qui en découlent. C’est avec étonnement et sourire un rien cynique aux lèvres que j’ai lu cette aventure pas banale.

Même les chiens
Deux inspecteurs, Thévenin et Santini, se rendent chez Henriette, une grosse femme d’un certain âge, qui habite dans une cité HLM de banlieue à cause de plaintes de ses voisins. Ils auraient entendu des cris et du tapage à des heures indus, et cela de façon répétée. Ce texte est une véritable plongée dans la promiscuité, les cancans, la misère humaine. On se croirait, par moments, dans le film d’Ettore Scola Affreux, sales et méchants (mais en pire)… Et la chute, abominable, ne peut laisser indifférent, notamment parce qu’elle renvoie à certaines affaires qui ont défrayé la chronique judicaire !

Un plan presque parfait

« Cette fois c’est décidé ! murmura Fred Whitman entre ses dents, Irma doit mourir. » Ainsi commence le texte, par cette condamnation à mort d’une femme par son époux. Et le bougre, bourré de TOC, va élaborer un plan parfait… ou presque, comme le dit le titre de la nouvelle.
Une fois de plus Yves-Daniel Crouzet nous régale avec son humour noir. Avec des mots simples et des situations orchestrées au millimètre, l’auteur retranscrit de façon jubilatoire les névroses, la bêtise, la méchanceté et toute l’absurdité qui ressort de cette histoire de « meurtre parfait ».
Cette nouvelle a connu une première publication dans le Black Mamba 15.

L’ombre et la gloire
Gilbert Klein découvre par hasard, en surfant sur le Web, l’écrivain Richard P. Lenoir, qualifié de « Stephen King sous acide » par les critiques littéraires. Or, cet auteur d’une dizaine de thrillers à succès est décédé récemment. Quel n’est pas l’étonnement de Gilbert ! puisque Richard P. Lenoir c’est lui-même, c’est son pseudonyme d’écrivain raté… et les romans cités « La sagesse du bourreau », « Paranoia », « Étoiles mourantes », c’est lui qui les a écrits, mais qu’il n’a jamais osé faire publier après un premier refus traumatisant 20 ans auparavant. Est-ce une supercherie ? Une mauvaise blague perpétrée par ses collègues de bureau ? Impossible… car personne ne sait qu’il écrit ! Il décide donc d’en savoir plus et de mener son enquête. D’autant que la mort de Richard P. Lenoir serait un suicide !
Encore une nouvelle où l’on rentre dans la tête d’un homme apparemment banal, mais qui ne l’est pas du tout. Une plongée vertigineuse dans la folie, la création littéraire et aussi le monde de l’édition. Un texte vraiment inquiétant, en fait !

Mortelles attractions, par ses personnages inquiétants, absurdes, faussement banals, par ses intrigues parfois simples et parfois complexes qui se déroulent dans notre quotidien est plus qu’un recueil de nouvelles à chute, c’est une fenêtre ouverte sur la noirceur de l’âme humaine qui se révèle par de petits travers et éclate au grand jour à coup de feux ou coups de couteaux. Ces textes, dont certains semblent avoir été écrits avec une lame de rasoir, ne peuvent laisser indifférent car il exhibe l’absurdité et la cruauté de la société, la méchanceté gratuite ou vénale, ou la folie qui guette chacun…

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